IMPACT DES SITUATIONS DIFFICILES
SUR LES SOIGNANTS
Muriel Derome
Psychologue clinicienne
en réanimation pédiatrique à l’hôpital Raymond Poincaré
Expert près la cours d’Appel de Versailles
Celine d’Harcourt Psychologue
Chantal Pons Le Mintier Psychologue

Etre exposé à des situations difficiles telle que la maladie incurable ou la dégradation de l’état de santé d’un enfant, pouvant aller jusqu’à sa perte totale d’autonomie ou sa mort, est un événement qui engendre généralement une grande souffrance. Le corps, l’intellect, la vie affective et sociale, les repères spirituels dans la vie privée comme dans la vie professionnelle en seront forcément impactés mais de manière différente selon les individus, leurs histoires, leurs sensibilités, leurs croyances et leurs ressources...
L’équipe paramédicale est au plus près du malade. Elle connait très bien les patients et leurs familles, au point d’être parfois dans une trop grande proximité émotionnelle. Les soignants éprouvent un sentiment d'impuissance devant l'enfant et ses parents et ont peur que cela n’affecte leurs capacités à prendre soin du malade.
L'angoisse parentale intensifie leurs sentiments de détresse et de doute. Ils se sentent parfois très seuls et en plein désarroi. Pour éviter de s’effondrer, ils doivent trouver une juste proximité, celle qui permet de soigner, de rester attentif à l’autre, sans banaliser la souffrance. Cela leur permet de garder un regard neuf sur chaque expérience individuelle.

I.       Avant, pendant et après une situation difficile

1.    Avant l’évènement douloureux :

a)    Les peurs
Les soignants ont souvent peur de ne pas arriver à gérer les situations les plus difficiles. Voici quelques unes des peurs les plus souvent rencontrées :

·         Peur de mal faire :
Certains soignants ont peur que, sur le moment, leurs émotions n'altèrent leur capacité à prodiguer correctement les soins. Ils appréhendent de voir leurs mains trembler, mais très rares sont ceux qui n'ont pas réussi à mobiliser leurs capacités pour un enfant qu’ils savaient gravement malade.
·         Peur de ne pas trouver les mots justes :
Face aux familles, les soignants ont peur d'être interrogés et de devoir expliquer ce qu'ont dit les médecins. Ainsi cette maman qui demande à la jeune infirmière : « Le médecin nous a parlé de soins palliatifs. Je n’ai pas compris ce que ça veut dire. Il a voulu dire quoi en parlant de « soins palliatifs ? » Normalement, ce n’est pas un truc pour les vieux ? ». Ils craignent aussi de «  gaffer » en donnant une information que l'enfant ou ses parents ne connaissent pas encore.
·         Peur de la contagion émotionnelle :
Les soignants ont peur de ne pas savoir « gérer » la souffrance ou la détresse de l'enfant ou de sa famille. Certains craignent de ne plus être capable de conserver une distance entre eux et autrui et d'éprouver le même état affectif que les parents ou l’enfant qui viennent d’apprendre une mauvaise nouvelle. D’autres redoutent qu'à travers leur envie de pleurer, leur façon d'être ou de parler, ils trahissent quelque chose des préoccupations médicales.

b)    Les besoins des soignants avant l’événement

Respecter les besoins des soignants peut permettre à ceux-ci de ne plus être sous l'emprise de leurs peurs. De quels besoins s'agit-il ?

Ø  Besoin que l’information circule
L’équipe est toujours mal à l’aise tant que le diagnostic n’a pas été annoncé aux parents. Une fois la situation formulée et expliquée aux parents par un médecin, l’attitude des soignants change. Ils ne fuient plus les questions, ce qui leur permet d'être plus ouverts et de mieux écouter la souffrance de l'enfant et de sa famille. De plus, une mauvaise information sur la situation du patient telle que la perçoit le médecin rend les soignants moins efficaces dans leurs soins, moins adaptés, et risque de provoquer chez eux une perte du sens de leur travail.
Pour des raisons diverses, il peut arriver que certains médecins refusent d'annoncer aux équipes un pronostic. Heureusement cela reste exceptionnel et peut être inconscient : parce qu’ils ne parviennent pas eux-mêmes à l’accepter, parce qu’ils le vivent comme un échec personnel ou encore parce qu’ils ne veulent pas se trouver confrontés à la tristesse, à la déception ou au découragement des équipes. Ainsi, incapables de reconnaître qu'un enfant est en fin de vie, ils vont faire comme si les traitements pouvaient encore le guérir. Au lieu de passer à des soins palliatifs, ils vont demander à leur équipe de rester dans des soins très lourds et douloureux. Une infirmière ou un kinésithérapeute peut accepter de faire souffrir un enfant quand il s'agit de lui donner une chance de s'en sortir. Mais lorsqu’un enfant décède dans les bras d'un soignant non prévenu, l'empreinte de la douleur de ce moment est presque indélébile. Le soin est alors éprouvé comme mortifère. L'absence d’information amplifie le drame vécu par les soignants.

Ø  Besoin de renvoyer vers le médecin
            Quand les familles ou l’enfant malade commence à poser trop de questions, les soignants, afin de ne pas être confrontés aux réactions des familles, n'hésitent pas à les renvoyer vers le medecin. Cette attitude est compréhensible mais il arrive parfois que ce ne soit pas un hasard si les questions ne sont pas posées à la personne qui peut y répondre. Cela signifie que ce n’est pas la réponse qui est recherchée mais l’écoute. Il arrive qu’un patient ou son parent cherche juste à ce qu’on l’aide à réfléchir, c’est le besoin d’être compris qui prime sur celui de comprendre.



2.    Face à l’événement douloureux

a)    Mécanismes de protection des soignants face aux situations difficiles
Pour lutter contre les angoisses face à des situations difficiles, les soignants mettent en place un ensemble de mécanismes de protection. En voici quelques exemples non exhaustifs :
·         La mise à distance
Certains soignants cherchent avant tout à ne pas se laisser envahir par l’émotion des parents en s’investissant le moins possible affectivement. Ils se sentent protégés en entretenant une certaine distance entre eux et les familles. Le soignant n’utilise que des termes inconnus par les parents, pour éviter d’être confronté à l’émotion et à la détresse des parents ou du patient.
·         Agressivité, colère n’est-ce pas plutôt déplacement ?
  Les soignants ne pouvant pas exprimer leur colère envers l’enfant ou sa famille, ils déplacent leur colère ou leur agressivité sur leurs collègues ou… sur un autre enfant.

La peur et les mécanismes de défense chez les soignants sont en lien avec des besoins bien spécifiques, comme nous allons le voir maintenant.

b)    Les besoins des soignants sur le moment

·         Besoin de confiance
Les soignants ont besoin, particulièrement dans les moments les plus difficiles, que l’information circule, que la gravité de la situation soit dite clairement. Si les choses ne sont pas claires l’infirmière peut penser que le médecin ne la juge pas digne de partager un secret professionnel ou qu’il estime son avis sans intérêt pour l'approche du malade. Cela déteint sur l’ambiance et le climat du soin porté au patient, qui en souffre ainsi que sa famille.
·         Besoin de calme
Plus il y a urgence vitale, plus les gestes doivent être précis, il est donc nécessaire que l’ensemble de l’équipe soignante ne s’énerve pas.

·         Besoin d'être en accord avec sa propre éthique et celle du service
Il est important que chaque soignant soit en accord avec l'équipe et avec lui-même. Ainsi, un soignant qui est fortement opposé à toute forme d’euthanasie ne pourra pas mettre toute son énergie dans un service qui provoque la mort ; ou un soignant qui serait très opposé à l'avortement, ne pourra pas s'épanouir dans un service qui lui demanderait d'en faire. Chaque cas étant singulier, chaque enfant et chaque famille unique, un travail psychologique est à chaque fois nécessaire, sur le plan personnel et professionnel, pour accepter la situation telle qu'elle est. Les parents, percevant le cheminement des soignants, parviendront eux aussi progressivement à changer leur regard sur leur enfant. Ils pourront alors accompagner différemment celui-ci. En modifiant ou en adaptant progressivement leurs projets d'avenir, ils deviendront plus attentifs à l'instant présent.

·         Besoin d’une proximité ajustée
Notre démarche n’est pas d’inciter à l’évitement mais au contraire d’inviter les soignants à oser s’attacher mieux, pour mieux se détacher. Ainsi en témoigne Guillaume, Costa médecin en réanimation pédiatrique : « Il y a beaucoup d’émotions en jeu, on ressent de la tristesse, de l’angoisse … il faut trouver le juste milieu, la bonne distance avec ces choses là. Il faut être touché, je pense, mais pas envahit. C'est un travail de tous les jours ». 
En effet, pour que des soignants puissent surmonter sans trop de séquelles la confrontation répétée à la maladie grave et à la mort, il est nécessaire que chacun puisse être attentif à soi-même, à ses propres besoins, pour être dans un juste rapport à l’autre. Parfois, ce sera simplement faire respecter ses horaires de travail et passer le relais à l’équipe suivante, ou accorderun temps d’arrêt, de deuil, juste après la toilette mortuaire. D’autre fois, au contraire, ce sera oser ces petits gestes tout simples qui changent la vie : passer dire bonjour à l’enfant ou à sa famille, même si on ne s’occupe pas de lui ce jour-là ou, pendant les soins, prendre le temps de raconter une petite histoire ou de chanter une chanson, ou simplement d'agir avec une infinie douceur.


1.    Dans l’après coup :

Pour les soignants, certaines situations peuvent rester inoubliables. Seule la possibilité de reparler de ce qui a été vécu permettra de mieux comprendre et d'assimiler ce qui est de l'ordre de l'inacceptable. Ainsi, dans notre service, avant l'arrivée d'une psychologue en réanimation, certains soignants sont restés plus de cinq ans sans pouvoir évoquer un décès. Ils n'avaient jamais eu l'occasion d'en reparler, même avec leurs proches. L'intensité de leur émotion était encore intacte et il leur aura fallu des réunions sur ce thème pour pouvoir l'évoquer. C'est pour cela qu'il est utile de proposer, au moins ponctuellement, des temps d’échanges. Cela permet à ceux qui le désirent de reprendre ce qu'ils ont vécu, d'analyser la situation, de prendre de la distance. Il s’agit aussi de retenir ce qui s’est bien passé ou ce qu’on a appris à partir de nos erreurs ou maladresse et qu’il ne faudrait pas recommencer. D'autre part, ces échanges permettent aux soignants de savoir qu'ils peuvent être soutenus et écoutés même très longtemps après un décès.
Certains regrets nous « rongent » très longtemps. Certains soignants souffrent pendant des années de ne pas avoir pu dire au revoir à des parents dont l'enfant est décédé. Ainsi Nathalie, jeune interne, n’imaginait pas pouvoir écrire à une famille quatre ou cinq ans après le décès de leur enfant. Or, dès qu'elle a osé prendre quelques minutes pour dire à ces parents qu’elle n'avait jamais oublié leur fils, elle s’est sentie apaisée et elle a pu clore cette histoire. Quelques jours plus tard, les parents, extrêmement touchés que d'autres puissent encore penser à leur enfant, l'ont chaleureusement remerciée.
Après une situation très difficile ou un décès dans un service, il est souhaitable que chaque soignant puisse prendre le temps de s’asseoir, seul ou en équipe, pour mettre des mots, au moins pour soi-même, sur ce qui a été vécu. Se poser et dire ce qui s’est passé est capital pour enclencher un travail de deuil ou de reconstitution. Les prises en charge d’enfants dans des situations difficiles ne sont jamais complètement satisfaisantes. C’est un domaine dans lequel nous ne cessons d’apprendre. Il s'agit alors d’identifier et d’accueillir, même à posteriori, ce qui a été vécu c’est à dire :
-                 les faits : « à ce moment-là, je me suis vu prendre son traitement et lui donner comme si de rien n’était … »

-                 les pensées : « je ne pensais vraiment pas qu’il allait mourir ... »


-                 les sensations : envie de pleurer, mal de gorge, de dos ou de ventre, migraines…

-                 les sentiments et émotions : peur, fierté, déception, surprise, dégoût, culpabilité, honte ? « J’aurais dû, j’aurais  pu… »


-                 les besoins : de pleurer, de crier, de recul, de solitude, d'être pris dans les bras, de prendre dans les bras, d’être aimé, d'aimer, de se sentir valable à ses propres yeux ou aux yeux des autres, de se sentir efficace, performant, besoin de reconnaissance, d’estime, de sentir qu'on appartient à l'équipe...

                  
                   Ensuite, il s’agit d’essayer de comprendre pourquoi tel ou tel aspect nous a davantage touché. Si nous sommes capables de reconnaître et de nommer ce que nous avons eu à vivre, ce qui a été touché en nous, si nous réussissons à comprendre quels besoins n'ont pas été pris en compte, alors nous serons moins sous l'emprise de nos émotions et nous serons davantage acteur de notre propre histoire.
A la suite de ces réunions, chaque soignant peut inventer son propre rituel pour l'aider à vivre son deuil en tant que soignant. Ainsi l'un d'entre eux raconte : « Chaque année en novembre, puisque c'est le moment où la nature et les hommes nous font penser aux morts, je me fais une petite cérémonie. Je me suis inventé quelque chose qui me correspond : je m'assois, j'allume une bougie, je regarde la flamme et je me pose vraiment. Là, je laisse remonter les souvenirs. Je repense à tous les enfants, à toutes les familles que j'ai accompagnées en fin de vie. Certains s'imposent par le côté traumatique de leur mort, d'autres ont laissé une trace plus discrète ou plus sentimentale... Je note leur nom sur un papier et quand je me sens prête, je sors ! Là, je vais ramasser des cailloux ! Quand je suis au bord de la mer, je prends des galets, c'est encore mieux !! Plus j'ai de peine, plus je choisis un gros caillou ou un gros galet ! Et j’en mets dans mes poches autant que d'enfants que j'ai accompagné... Lorsque les deux poches de mon manteau sont bien pleines, je marche un moment avec les 10 ou 12 galets. C'est lourd ! Je prends le temps de sentir combien c'est lourd et difficile de marcher avec tout ça en poche. Et puis ensuite, après avoir été longtemps dans mes sensations, je réalise que je porte une peine qui ne m'appartient pas. C'est vrai, ce ne sont pas mes enfants ! Alors, je décide de me libérer de ce poids trop lourd à porter pour moi et, petit à petit je les redépose si possible sur la plage ou dans la forêt. J'aime les confier à la mer... ça m'aide à m'en libérer. Je confie aussi toutes les familles... Et ensuite, ça peut paraître idiot mais je me sens mille fois plus légère... et prête à accompagner d'autres enfants, d'autres familles... d'autres vies... »


II. Lorsque nous sommes confrontés à une situation difficile, tout notre être est impacté.



1.      Au niveau intellectuel
Pendant les évènements difficiles, les médecins éprouvent, grâce à l’adrénaline, une sensation de plus grande acuité. Ainsi le Dr Guillaume Costa : « Pendant la situation, l’intellect est préservé. C’est un phénomène de clivage : c'est la médecine en priorité. Tout est clair, il faut que ça avance. Avec l’adrénaline, ça fonctionne mieux ».
Dans l’après-coup, les infirmière et aides-soignantes, ont la sensation qu’à la longue, cela les pénalise, comme si toute l’énergie qu’elles mettent pour oublier les situations difficiles, entrainaient dans l’après-coup, des oublis beaucoup plus larges. Beaucoup racontent combien en sortant de prises en charge particulièrement traumatiques, elles se sentent ralentis, ont du mal à réfléchir, à se concentrer. Beaucoup témoignent de leurs impressions de ne plus avoir de mémoire, de tout oublier, de ne plus savoir où sont leurs affaires ou quand ont lieu leurs rendez-vous.
2.      Sur le plan corporel

Le corps peut être le premier lieu impacté. Une situation particulièrement difficile nous oblige à mettre nos besoins corporels entre parenthèse. Même des besoins aussi essentiels tel que la soif, la faim, le besoin d’uriner sont ignorés. Le besoin de repos, les douleurs (lombaires ou autres) sont occultés. En sortant du service, il faut souvent un certain temps pour que le soignant « réintègre » son corps. Il réalise alors qu’il n’a pas eu le temps de manger ou qu’il n’a pas fermé son manteau alors qu’il pleut des cordes. Certains soignants prennent conscience qu'ils ont besoin, après un accompagnement difficile, d'un moment pour se retrouver. Ils expliquent ainsi : « Quand je sors d'une prise en charge très difficile, j'ai l'impression que je voudrais redevenir un tout petit enfant » ou « J'ai besoin d’être seule, de me mettre sous ma couette dans la position du fœtus » ou « Je veux juste que mon chéri me prenne dans ses bras et me caresse les cheveux, comme le faisait ma maman quand j'étais petite. » 
Il arrive aussi que les soignants rencontrent des difficultés non pas dans l'après-coup mais bien plus tard. C'est ce que nous nommerons l'effet « boomerang ». Le soignant à la sensation immédiate d'avoir très bien géré la situation, il en ressort avec une certaine sensation de fierté de l'ordre du « même pas mal » des enfants. Mais quelques semaines ou mois plus tard, alors qu'il ne s'y attend plus du tout, un élément anodin vient lui rappeler la situation dramatiques vécues quelques semaines plus tôt et les émotions ressenties à ce moment-là. Ainsi Julie, infirmière, s'est occupée de Killian pendant deux ans. A cause de tout ce qu’elle avait à faire, pour rester professionnelle et ne pas s’attacher à lui, elle a maintenu une certaine distance entre eux. Sous prétexte de lui demander de remettre son CD, Killian demandait sans cesse à Julie de venir le voir. Elle avait tellement peur de s'attacher à lui qu'elle avait instauré le plus de distance possible. Elle a donc refusé à plusieurs reprises de remettre le CD, en expliquant à Killian qu'elle avait beaucoup à faire et qu'elle ne pouvait pas passer tout son temps avec lui. Killian va de plus en plus mal, appelle de moins en moins puis décède. Julie ayant l'habitude d'accompagner les enfants en fin de vie, ne prend pas le temps de s’arrêter, continue et trouve que, finalement, cela ne lui fait presque rien. Elle a juste un peu mal au dos mais n'y prête aucune attention particulière. Plusieurs semaines s'écoulent sans que rien n’amène Julie à repenser à Killian. Mais un jour, alors qu'elle est en train de faire ses courses, elle entend cette musique que Killian lui réclamait tant. A ce moment-là, sa vie professionnelle fait irruption dans sa vie privée. Elle a les larmes aux yeux et de fortes douleurs réapparaissent dans son dos…
Beaucoup de soignants reconnaissent qu’ils ne savent pas prendre soin d’eux ni comment se ressourcer. Si on ne s’écoute pas assez, notre corps nous envoie des signaux pour nous signaler que nous sommes en souffrance. Les soignant avouent, tout honteux, les désordres physiques qu'ils rencontrent : manifestations psychosomatiques (fatigue, mal de tête, de dos, de ventre, stérilité psychologique, etc.) ou tout simplement incapacité à lâcher prise, particulièrement marquante dans la relation amoureuse et sexuelle.
Certains soignants, en sortant de situation particulièrement dramatique, ont besoin de se sentir vivant, ils ont alors absolument besoin de jouir, mais il s’agit bien souvent d’une sexualité de décharge, sans lien réel à l’autre. Il s’agit alors juste d’un remède anti-stress pour les aider à se libérer de toutes les tensions accumulées.
A d’autres moments, ou pour d’autres soignants, c’est l’inverse. Il est difficile de ressentir du plaisir après une journée où le corps a beaucoup porté et vécu. Ainsi Tiphaine, infirmière, témoigne : « Au début, avec mon copain, quand j'avais eu une journée très difficile, je le lui disais. Alors, tout s'arrêtait. On ne parlait plus que de moi, il voulait que je lui raconte les détails de ma journée et en même temps, je sentais bien qu'il ne comprenait pas. Il était choqué par certains détails où me disait ce que j'aurais dû dire ou faire, alors que moi, je n'avais pas su... Au bout, d'un moment, il y avait tellement souvent des choses extrêmes qu'il a commencé à trouver que ça suffisait, qu’il avait lui aussi des problèmes et que je n'étais pas assez attentive à lui. Alors, j'ai eu tellement peur de le perdre que j'ai arrêté de lui raconter mes journées...Pour tout vous dire, je vis souvent les relations sexuelles comme un autre défi à relever. Je me dis : tu as réussi à regarder la souffrance ou même la mort en face, tu peux bien accueillir le plaisir. Mais ça ne marche pas… Je n'arrive pas à m'abandonner... Je suis dans le contrôle... Je sais que je dois apprendre à lâcher prise mais je n'y arrive pas... Je ne peux en parler à personne mais c'est vraiment lourd... Je ne sais pas comment vous expliquer... : quand il caresse mon épaule, il me semble que je sens encore le poids de la mère s'effondrant dans mes bras. Quand il caresse mes bras, c'est le souvenir du petit être mort que j'ai porté dans mes bras qui revient. Quand il me dit que je sens bon, je pense à la tonne de parfum que j'ai eu besoin de mettre après ma douche pour éloigner de moi le souvenir de l'odeur de la mort... J'essaie d'être avec lui mais je n'y arrive pas... je réussis juste à lui faire croire que je suis contente et à le rendre heureux ! Et je m'endors épuisée en me disant : c'est pas si mal, j'ai accompli un exploit de plus dans ma journée. C'est quand ce deuxième exploit est terminé que je peux m'endormir sereine avec la conscience du devoir accompli... Mais, ce qui est compliqué... c'est que... la nuit, pas toutes les nuits mais assez souvent, surtout quand, dans le service, on a beaucoup d'enfants dans des états très critiques... je rêve qu'on a besoin de moi. J’entends mon bip sonner, j’ai vraiment la sensation de l’avoir entendu. Ça me réveille en sursaut ! Et, une fois debout, je m'aperçois que c'est la nuit... et que je peux me rendormir... c'est si bon de pouvoir dormir... ».


3.      Sur le plan affectif et relationnel
-                      Nos proches, trop inquiet pour nous, ne peuvent souvent pas entendre les drames auxquels nous sommes confrontés
Beaucoup ont expérimenté la tristesse de ne pas se sentir compris par leur entourage. Il est difficile de raconter les évènements douloureux à ses proches. D’une part, parce qu’ils ne comprennent pas vraiment la situation ; d’autre part, parce que là ou nous aimerions trouver une écoute et de la compréhension, eux s’inquiètent pour nous et cherchent à nous proposer des solutions. Nous devons bien souvent faire le deuil d’une totale compréhension par nos proches, ce qui rend primordiale les échanges avec ceux qui vivent les mêmes situations.
Les proches, de leurs cotés, peuvent avoir la sensation d’être tenu à l’écart, d’avoir moins d’importance que notre travail. Ils perçoivent parfois que l’on a vécu avec nos collègues des « choses » fortes qui nous ont fait expérimenter une grande proximité émotionnelle que l’on ne peut pas partager avec eux. Il arrive qu’un certain malaise ou une certaine jalousie en découle et risque de nous éloigner d’eux. Nous avons donc à comprendre que cette émotion partagée est bien différente de celle que nous pouvons vivre avec ceux que nous aimons et qu’elle n’enlève rien à celle que nous éprouvons pour ceux avec qui nous vivons.
La période des vacances, peut-aussi être compliquée.. Après avoir vécu plusieurs semaines à un rythme de travail très intense, le ralentissement entraîne souvent un contrecoup dont il faut se méfier. La gravité et l'ampleur de ce qui a été touché sur le plan affectif ne se révèle souvent que lorsque tout est terminé. La tension permanente imposée par l'attention qu'impose la prise en charge d'un enfant dans une situation particulièrement difficile peut empêcher certains soignants de mesurer ce qui est réellement touché en eux. Ainsi le corps, qui avait su se faire oublier pendant que le soignant était dans le feu de l'action, devient souvent douloureux dans l'après-coup. Cette réaction en décalée peut être difficile à comprendre pour les proches (famille ou autres soignants de l’équipe) qui ont veillé à être attentifs lors du drame et ne comprennent pas que ce soit au moment où tout est terminé et que le calme est revenu, que la colère, la tristesse, l'apathie, le manque d'énergie ou d'envie apparaissent[1]. Souvent les soignants n'osent pas dire ce qu'ils ressassent, ou leurs pensées, et encore moins leurs émotions. Ils ne parlent bien souvent que de douleur physique comme prétexte à leur manque d'entrain. Certains, au contraire, se plongent dans une hyperactivité ménagère ou autre pour faire taire leur mal être qui leur semble souvent indicible et inavouable. Ne leurs a-t-on pas répété mille et une fois durant leurs études qu'il ne faut pas s'attacher et rester professionnel ? Puisque ce sont eux qui ont fait une erreur, ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes ! Or cet interdit de s'attacher complique les relations humaines et donne l'impression qu'il est demandé aux soignants d'agir comme des robots. Au contraire, proposer aux soignants de mieux s'attacher, c'est-à-dire sans trop de distance mais aussi sans froideur, pour pouvoir ensuite ne rien regretter, les libère et les aide à y voir plus clair.
-                      Parfois en décalage avec le reste du monde :
La confrontation régulière à des situations extrêmes entraine chez certains soignants un sentiment de décalage, une impression de ne pas tout à fait appartenir au même monde que les autres. Alors que certains médecins, réussissent à s’investir en dehors de leur travail, dans des mouvements associatifs ou politiques, beaucoup d’infirmiers ou d’aides-soignants s’en disent incapables tant ils ont mis toute leur énergie dans le service.

4.      Sur le plan psychologique :
Savoir se poser, s’arrêter, prendre du temps pour entrer en contact avec sa dimension intérieure et se ressourcer est souvent très difficile pour les soignants. De nombreux soignants sont venus me confier leur inquiétude quant à leurs réactions pendant les vacances : à chaque fois, après une période d'émerveillement, au bout de quelques jours, ils se sentent mal psychologiquement : « Le premier jour tout va bien, j'installe tout, je range tout. Le deuxième, c'est l'euphorie je savoure l'incroyable bonheur d'être en vacances, je pars à la découverte des lieux mais le troisième jour... systématiquement, où que je sois, même dans des endroits paradisiaques et avec des proches adorables, je m’effondre. J'ai envie de pleurer ou… je pleure. J'ai envie d'appeler le boulot pour savoir comment va tel ou tel enfant. Je me sens mal, inquiète. Je repense à tout ce que j'aurais dû faire ou dire et que je n'ai pas fait. Je me sens nulle, tellement nulle… Je deviens agressive envers mes proches avec la sensation qu'ils ne comprennent rien à rien. Ce jour-là, faut pas me chercher ! »
5.       Sur le plan matériel
Beaucoup de soignants témoignent d’un certain détachement par rapport au matériel, alors que d’autres au contraire y voit une façon de contrôler le monde et surtout de remettre en ordre leur désordre intérieur. Ceux là trouvent que se concentrer sur les tâches ménagères, sur des choses simples peut aider à passer à autre chose.
Ainsi Flavie, une aide-soignante depuis 17 ans dans un service de pédiatrie témoigne « Je suis depuis plus de 20 ans, régulièrement confrontée à des situations difficiles, voir extrême. Je me souviens de l’accompagnement de fin vie d’un grand adolescent. Il avait eu un accident avec sa tante. Au moment de son dernier souffle, la tante s’est allongée par terre et s’est mise à hurler plusieurs fois de suite : « pourquoi tu m’as fait ça ? ». Ses paroles et sa détresse sont restées gravées dans ma tête et m’ont accompagné une bonne partie de la soirée et de la nuit. Le réveil a été compliqué mais j’ai pu passer à autre chose car j’avais mes enfants à réveiller et à accompagner à l’école. Ce sont eux qui m’ont donnée de l’énergie pour recommencer une nouvelle journée. Quelques jours après, je suis allée à la levée du corps. Quand il s’agit d’un enfant, c’est toujours unmoment compliqué. Je revois encore la détresse de cette tante et de la maman du jeune homme qui la soutenait en essayant de ne pas s’effondrer. En rentrant chez moi, j’ai eu du mal à évacuer cette tension. Il faisait nuit et je me suis mis au nettoyage des carreaux de ma chambre, grâce à ça j’ai pu évacuer toute la tension de la journée. Après, j’étais bien, j’étais apaisée. J’ai passé une bonne nuit ».

6.         Sur le plan spirituel, du rapport à l’invisible, à notre vie intérieur
Certains croient en la réincarnation, d’autre au paradis mais tous essayent de penser que ces enfants un peu extraordinaire sont comme sélectionnés pour un ailleurs forcement meilleur. Certains soignants même lorsqu’ils n’ont pas de religion et qu’ils se disent non croyant, ont des représentations spirituelles de la situation. Ils racontent par exemple que des esprits les accompagnent : l’esprit des enfants mort quelques jours plus tôt qui restent à leur côté pour veiller sur eux un moment avant de partir vivre leur « vie » de mort.
Chantal Gavignet, aide soignante, raconte : « Il y a 12 ans, j’ai eu à gérer la pire des situations  et je l’ai très mal vécu. Il y a eu  trois décès dans la nuit. J’ai beaucoup pleuré et j’ai pas réussi à dormir en rentrant. A ce moment- là, j’ai tout remis en question et, pendant très longtemps, je me suis dit que je devais arrêter mon travail. Le soir suivant, j’ai dû me faire violence pour avoir le sourire mais le Dr Bataille m’a beaucoup aidé.  On n’oublie jamais une nuit pareille, je m’en rappelle encore : tout est presque intacte dans ma mémoire. On s’en sert pour avancer. Mon corps aussi à réagi, je dormais moins ou mon sommeil était moins récupérateur. Je n’avais plus envie de manger, cela n’avait plus d’importance. C est vrai que quand il y a des difficultés, je garde tout pour moi. Je ne raconte pas. J’essaye juste de me vider la tête.  Je fais le marché puis le ménage à fond. Je fais aussi de la broderie,  cela m’apaise et me permet oublier  cette année là. Beaucoup de mes collègues n’ont pas compris mes pleures. J’ai appris avec le temps à mettre toute seule en place des boucliers pour me préserver, ne pas mélanger travail et vie privée : respirer, donner aux autres, faire du bien autour de moi. Dans les situations difficiles, on se raccroche à ce qu’on peut, je suis croyante et dans ces moments-là, je prie… Après la mort de la petite Myriam, toutes les nuits à la même heure, l’eau se mettait à couler. Et, nous, avec mon binôme, on sentait que son esprit était encore là. Elle venait nous dire qu’elle veillait sur nous. Ça a duré assez longtemps puis, un jour, ça s’est arrêté, alors on lui a dit : t’inquiètes pas Myriam, tu peux y aller, on veillera l’une sur l’autre. »

III. Quelques points forts à garder en mémoire


Accompagner un enfant extrêmement fragile ou en fin de vie implique toute une équipe, notamment dans une réorganisation du travail en lien avec le cadre infirmier. Il est souhaitable que chacun des membres de l'équipe aide et soutienne le soignant investi par l’enfant ou sa famille à être dans une qualité de soins jusqu’au bout.

  Bien souvent, les situations les plus lourdes sont celles où l’enfant ne sera plus celui qu’il était avant. Il mourra ou vivra mais n’aura plus les capacités qu’il avait avant. Les équipes ont donc un deuil à faire, celui de ne pas avoir réussi à guérir ou à rendre l’enfant dans le même état qu’avant. Le deuil des soignants n’est bien entendu pas comparable à ce que les familles ont à vivre. Il s'agit néanmoins d'un travail qui se situe autour de trois axes :
- Faire le deuil de l'enfant dont ils se sont occupés durant plusieurs jours, semaines, mois ou années. La perte de chaque patient en ravive une autre, rencontrée précédemment, et renvoie aux autres deuils que nous avons eus à vivre dans notre vie professionnelle ou privée.

- Faire le deuil d'une famille auprès de laquelle ils ont passé plusieurs heures à se battre dans une perspective commune.

- Mais aussi faire le deuil d'une responsabilité qui les valorisait et les rendait aux yeux de tous « extraordinaires ». Abandonner cette position qui était stimulante n'est pas toujours simple : le soignant n'étant plus au cœur des préoccupations du service, il peut avoir la sensation de ne plus être « sous la lumière des projecteurs » ou avoir le sentiment d'avoir perdu du pouvoir ou de l’intérêt. Un manque de reconnaissance peut aussi naitre à ce moment-là, avec la sensation que les collègues n’ont pas réalisé à quel point ça a été difficile pour eux.


CONCLUSION
Chacun a des rythmes : des rythmes biologiques, « veille-sommeil », mais aussi des rythmes psychologiques, « engagement-désengagement », c'est-à-dire qu’il y a un temps pour chaque chose : un temps pour être tourné vers les autres, travailler de façon très intense, mettre toute son énergie pour sauver des vies ou soutenir des familles et ensuite un temps pour être seul, se reposer, s'arrêter, se relier à soi-même, se ressourcer… De plus, chacun a des moments d'énergie et des moments d’épuisement, des moments de foi et des moments de doute (sur son travail, le monde ou soi-même). Il y a un temps pour donner, un autre pour recevoir... Chacun a besoin de rythmes et d’alternances, s’autoriser ces alternances est essentiel à notre équilibre.
Se poser permet d'écouter ce qui se vit au plus intime de nous-mêmes, nos soifs profondes, nos besoins, nos manques, nos aspirations personnelles et professionnelles. Réfléchir à ce qui est essentiel pour nous, nous aide à identifier nos priorités et à prendre soin de nous. Et en comblant ces besoins-là, nous nous préparons à mieux prendre soin des autres. C’est parfois très difficile pour certains d’entre nous de dire non, mais cela s’apprend. Lorsque nous parvenons à le faire sans culpabilité, cela donne une grande liberté et rend beaucoup plus disponible pour les autres. 


TEMOIGNAGES RECUEILLIS



QUAND JE SUIS CONFRONTEE A UNE SITUATION DIFFICILE…
Témoignage d’un médecin réanimateur
Docteur Bataille


Cela impact mes capacités intellectuelles :
  Lorsque je suis confronté à une situation difficile, cela me stimule et augmente le rendement de mes capacités intellectuelles, y compris dans d’autres domaines de ma vie. Le fait de devoir faire face à une situation difficile agit pour moi comme un puissant stimulant intellectuel qui se propage à toutes les sphères de ma vie. Par exemple, je suis pianiste, et bien dans ces moments, je joue mieux, je suis plus agile. Je pratique également beaucoup la course à pied et dans ces moments-là, je vais alors réfléchir énormément et avoir de meilleures capacités de concentration, c’est un peu comme si « toutes les lumières étaient allumées »…
 
Cela impact mon corps :
  Au niveau sportif, j’ai besoin de pratiquer une activité sportive régulière. Je monte à cheval, je fais de la course à pied ainsi que de la course de fond…
  Au niveau de ma santé, j’ai fait une leucémie il y a quelques temps. Je pense avoir été exposé à des rayons à un moment et bien que les cancérologues disent que cela n’a pas de lien, je reste persuadé que cela n’a pas été neutre…
Au niveau de mon sommeil, je suis habitué à dormir partout. Si je ne suis pas responsable je ne me réveille pas. Cela est sans doute une grande force…
Au niveau de ma sexualité, il est indéniable que toutes les situations de stress ont eu pour effet d’augmenter ma libido et par conséquent ma sexualité…
  En revanche je dois admettre que je délaisse complètement mon corps. C’est une vraie misère physiologique…Avec la blouse on ne fait pas attention et je me rends compte que je deviens comme cela aussi à l’extérieur…sans doute par lassitude…Par exemple je me suis fait enlever plein de dents, et bien cela m’est totalement égal…

  Au niveau de mon alimentation, j’ai eu une période où je ne faisais absolument pas attention. Je mangeais tout le temps avec les infirmières et n’importe comment alors bien sur je grossissais. Si vous ne faites pas attention lorsque vous travaillez dans un tel service, vous mangez n’importe comment : en horaire décalé, vous avez faim, vous mangez n’importe quand, vous mangez au lieu de dormir ou vous ne mangez pas.

Cela impact mon rapport à la société :
  J’ai toujours eu envie de m’investir ou d’avoir des engagements associatifs. Lors de la guerre du Kosovo, j’avais tenté d’organiser le rapatriement de femmes et d’enfants malades de non soin du fait de la guerre. J’ai aussi d’autres engagements sans lien avec mon travail et cela je les gère avec mon épouse. J’ai toujours eu beaucoup d’énergie en dehors du travail. Par exemple, j’ai créé avec mon épouse un club hippique et nous avons aussi tenté d’organiser des activités autour du cheval pour des personnes en situation de handicap. J’ai également été trésorier d’une association toujours dans le monde du cheval et cela m’a entre autre permis de bien comprendre comment fonctionnait une association avant de créer ici à Garches, l’association des réanimateurs.


Cela impact ma vie affective :
Au niveau de mon couple, j’ai la chance de beaucoup échanger avec mon épouse.
Avec mes enfants, je n’ai pas été très facile et c’est certainement un euphémisme…J’étais très irritable, et je m’emportais facilement, sans doute un homme très irascible. Cela n’a pas été simple pour eux et j’avoue avoir sans doute reproduit ce schéma acquis dans l’enfance, lorsque mon père et ma grand-mère ne parlait que de médecine. Je suis quelqu’un de très anxieux, et il est clair que je transmettais mon anxiété à la maison. Au début de ma carrière, quand le téléphone sonnait je faisais un bond sur ma chaise tellement j’étais hyper tendu. Dans un tel climat, tout le monde ne pouvait que pâtir de cette nervosité. Parfois, j’étais si impatient que je ne les laissais même pas s’exprimer, je leur coupais systématique la parole. A d’autres moments, j’essayais de les écouter malgré tout.
A mes amis, je n’ai jamais parlé de ma vie à l’hôpital.
Avec mes voisins, mon entourage, je suis un peu égocentrique et relativement indifférent à ce que les autres peuvent ressentir. J’ai longtemps joué du piano la nuit sans me soucier du voisinage. Je me disais que les gens n’avaient qu’à apprendre à dormir comme moi, dans n’importe quelle circonstance et quelques soient les bruits environnent. J’étais réellement dans une sorte de suffisance vis-à-vis de moi-même.

Mon rapport à l’invisible.
  Lorsque l’on occupe de telles responsabilités, on a tendance à se prendre pour Dieu. On bascule dans une perte ou bien à l’inverse dans une quête de sens.
  Pour moi la spiritualité est quelque chose de compliqué. Dieu c’est les hommes et cela a renforcé mon idée que la vie éternelle n’existe pas.
Je vois de plus en plus que cela aide à se poser, à réfléchir. Je pense que Dieu est une création purement humaine. C'est comme un sixième sens que certains n’ont pas. Je dirais que de ne pas s’en servir serait coupable. Cela m’aide de penser ainsi. En tous les cas, avoir un métier utile protège des questions métaphysiques.






QUAND JE SUIS CONFRONTEE A UNE SITUATION DIFFICILE…
Témoignage d’une infirmière
Blandine Mallet

        
Cela impact mon corps :
Je me sens alors comme vidée, privée de toute vitalité. Mon corps se raidit. Il peut même m’arriver d’avoir du mal à respirer profondément. Certaines fois, le lendemain, je me réveille en ayant l'impression qu’un rouleau compresseur m’est passé dessus. J’ai un mal de tête insupportable et je ressens parfois le besoin de pleurer.
Ce qui m’aide, c’est d’aller nager et de sentir mon corps tout entier respirer (sang, énergie, oxygénation, articulations, muscles, tension artérielle, entrainer mon coeur etc.) Deux heures par semaine, je m'immerge dans une sorte de bulle qui me fait oublier ce corps lourd et me porte au sens propre comme au sens figuré, la douleur de l'autre et la mienne me semble alors moins lourde.
Lorsque mes jours de congé tombe sur la semaine, j’ai  un grand besoin de flâner, de me laisser totalement aller, même si ma vie ne me l'autorise que rarement avec la logistique de ménages, de courses, d’enfants à aller chercher etc. Généralement, alors que ce serait absolument nécessaire, je n’ai pas le temps de me poser physiquement. Alors j’ai du mal à me détendre, à relâcher la pression au corps. Je reste toujours sur le qui vive, je me tiens sans cesse en éveil, toujours prête à bondir, hyper réactive pour être certaine d’être opérationnelle si il y a une urgence ou si on a besoin que je sois là.

 Cela impact mes capacités intellectuelles :
J’essai de remplir ma mémoire d'une somme incalculable de petits détails que je désire transmettre aux familles, aux enfants ou aux soignants. Je ne peux me permettre d’oublier car j’étais là et c’est mon rôle de tout garder et de transmettre. Je me mets la pression, j’en ai bien conscience mais je veux être porteuse de leur histoire de vie, c’est un cadeau aussi empoisonné que précieux. Pour moi, ne pas se souvenir ce serait presque les trahir. Je n’ai pas le droit d’oublier car ce serait comme si ces situations difficiles n’avaient jamais existé. Par exemple, quand un enfant décède alors que ses parents ne sont pas là, si on sent qu’ils en ont besoin ou qu’ils sont demandeurs, il est important de pouvoir leur expliquer les détails.
Dans les moments vraiment très difficiles, malgré ma tendance prononcée pour l'anxiété et la panique, je suis d’un calme olympien et je reste hyper concentrée car beaucoup de ce qui se passe autour de moi repose sur moi. Je sais que si un maillon de la chaine de l’équipe cède, c’est tout le monde qui risque d’en pâtir. Ainsi, l’autre jour, un médecin avait très peur car il devait intuber en urgence vitale un bébé de dix jours. A ce moment là, je suis restée très calme, tout était très claire dans ma tête, avec sang froid je l’ai apaisé avec beaucoup de bienveillance et de douceur. Je dirigeais tous les participants car si le stress commençait à se propager ça aurait été catastrophique pour ce petit bébé. A chaque fois, ce mécanisme de protection qui se met en place en moi me permet de ne pas me laisser envahir par la peur et au final, c’est salvateur pour tous.
Dans les situations difficiles, je n’ai pas le temps de penser à mes propres limites, si je suis là, il faut impérativement que je sois pleinement présente aux personnes soignantes et au patient, et bien ancrée dans la situation, le lieu, le moment, sinon il faut que je sorte et que je passe la main mais ce n'est pas toujours possible, et parfois je n’y arrive pas.






Cela impact mon rapport au monde : 
Au risque de paraître nulle, je dois avouer que je ne fais partie d’aucune association car je crois reconnaître qu'émotionnellement ce serait trop pour moi en plus de mon travail, de mes enfants, de ma situation privée compliquée etc. Mais ; je ne désespère pas, au gré d’une rencontre, d’y mettre un pied un jour car on a tous quelque chose à apporter et cela ne me déplairait absolument pas.
Je n’ai pas non plus d'engagement politique. Je m'en désintéresse totalement : je crois beaucoup plus à la proximité de terrain et aux actes posés même s’ils sont insignifiants ou non palpables, car dans les cœurs et les esprits, ils restent et ont un poids monumental pour l'enfant et sa famille.
Dans mon quartier, j’essaie de veiller sur les personnes âgées qui habitent à proximité en allant les voir de temps en temps, en leur apportant du concentré de bonne humeur, et d’autant plus si leur état de santé se dégrade ou s’ils sont bloqués à cause des intempéries... Je cherche à établir un peu de lien social mais c’est sur que j’en fais beaucoup moins que d'autres et j’aimerais en faire davantage.

Cela impact mon rapport aux choses matérielles :
Les choses n’ont pas réellement d’importance pour moi sauf si elles symbolisent ou rappellent quelqu’un qu’on aime.
Je ne m’attarde pas sur le ménage, j’en fait un minimum, dans un bordel organisé mais il m’arrive de péter un plomb d'un seul coup et dans ces moments, tout doit être fait vite et parfaitement. Dans l’urgence,  j’ai besoin de ranger pour ranger ma tête mais à priori, cela n'a pas de lien direct avec une situation vécue récemment au travail.

Cela impact ma vie affective :
Je ne parle pas de mon travail avec mon compagnon. Je ne parle ni de la douleur des enfants, ni de ceux qui meurent, ni de ce que je vis de difficile car il y a longtemps que la porte s’est fermée par peur. Il refuse totalement tout partage et toute écoute sur le sujet. Et c’est dur de parler à quelqu’un qui ne s’y intéresse pas et qui ne comprend rien à l’essence de mon job. J’ai conscience d’être trop raide dans mes propos mais ma situation privée la déforme indubitablement.
Je partage avec ceux qui sont susceptibles d’entendre (les situations, la souffrance, ma douleur, mes doutes, mes questionnements) ... quant à comprendre... on vit tous les choses de façon viscéralement différente donc on n'a pas à comprendre l'autre, car on ne le pourra jamais, mais juste à accueillir.
Je parle de tout cela avec mes collègues, mes amis de la profession aussi.
Je raconte un peu à mes enfants parfois car ils voient que je suis affectée. Ils ont besoin un tant soit peu de comprendre pourquoi leur maman a le spleen ou est un peu irritable ou a l’air (et pas que l'air) épuisée avec quelques détails simples mais rien de plus car ils ont besoin de mettre des images.
Les amis d'ailleurs .... me questionnent davantage par curiosité mais je reste très évasive car à quoi cela servirait de me rappeler des souvenirs qui reviendraient à mon esprit et me hanteraient des jours durant seulement parce qu’une personne m’a demandé d'en parler. Ils sont là ces souvenirs et remontent à la surface quand il le faut, rien de plus.

Les premières années de ma profession je ruminais beaucoup ce que je vivais dans  mon métier... J’étais jeune, anxieuse et c'était difficile. Puis j’ai grandi et pour autant, au tout début de mon exercice je ne laissais rien paraître de l’hypersensible que j'étais. Je me le cachais même à moi-même. Je me souviens de cet ado en quasi mort cérébrale et de sa maman. C’était mon premier poste en réa neuro chir... Il a passé trois semaines entre la vie (physique seulement ?) et la mort. Moi, j’ai passé trois semaines à parler à ce très beau jeune homme qui ne réagissait plus à rien et à cette maman qui me racontait son histoire à lui, à elle, la vie d’avant et celle de maintenant... je me blindais je crois... j’écoutais certes, je la prenais dans mes bras, elle avait l'air d’y trouver un réel réconfort mais je sais que je ne m'exposais pas du tout émotionnellement. J’étais comme anesthésiée. Je n’étais pas mère d’une part et je ne voulais probablement surtout pas souffrir en absorbant toute cette douleur. Cette douleur indicible d’une mère qui a déjà commencé à faire le deuil de son fils. Ce jeune homme est parti se faire prélever ses organes et sa maman m’a tendu les bras au bout du couloir. Elle a pleuré dans mes bras toutes les larmes de son corps (celles qu’elle avait encore). Elle m’a remerciée pour ma présence indéfectible, ma présence et…juste ma présence. 
A ce moment j’ai compris. A ce moment précis, je me suis dit « non Blandine, ne flanche pas, reste droite, l'épaule solide de cette maman, qui pleure et te livre tout son désarroi depuis trois semaines et là tout de suite en concentré. Je crois donc que j'étais ENFIN, OSERAIS JE DIRE, consciente que je considérais sa peine depuis trois semaines et que je n'étais pas inhumaine. Néanmoins, à ce moment précis, la situation était si intense que je pouvais craquer et je sentais que cela commençait à me faire sortir de ma maîtrise émotionnelle. Je sais bien aujourd’hui que maitriser n’est pas le bon comportement il faut plutôt accueillir l'émotion, être à son écoute pour éviter son expression qui peut être extrêmement violente et délétère pour l’entourage perso ou pro.
J’ai compris qu’il est bon de laisser exprimer ses émotions ailleurs, seule face soi-même : crier dans sa voiture ou en forêt, taper dans un sac, frapper, se défouler, cracher tout ce qui coince, bloque et a un besoin impératif de sortir. Il s’agit quasiment dans certains cas, d’un véritable besoin vital. Faire des exercices de respiration ou de la méditation peut être salutaire. Si l’on néglige cet aspect on risque de ne plus se comporter de façon politiquement correct avec qui que ce soit.

La situation que j’ai vécue avec ce jeune homme mérite d'être racontée plus avant.
Quand la maman est partie, la cadre est venue me voir et m’a témoigné son empathie et sa disponibilité si j'avais besoin. Cette première situation que j’avais du affronter professionnellement alors que je débutais avait été si intense qu’il avait semblé bon à cette cadre de m’entourer avec attention à la fin de la prise en charge. La seule chose que j’avais trouvé à dire fut : " non non ça va très bien merci ". Aujourd’hui, avec le recul, cela me choque que j’ai pu réagir ainsi. Maintenant, il est clair pour moi que ces propos étaient révélateurs de l’incroyable souffrance que je ressentais alors. Il me semblait primordiale de ne pas baisser la garde, de ne surtout pas avouer ma faiblesse (qui pourtant n’en est pas une). Je ne devais pas avouer ma souffrance ni le feu intérieur qui devait me consumer sans que je le ressente consciemment. Peut-être me prenais-je pour la super infirmière qui « gère » quoi qu’il advienne !!!???? Quelle horreur !...
Aujourd'hui, j’ai appris à accueillir à bras ouverts mon hypersensibilité, même si ce n’est pas toujours facile. Cela est une véritable richesse et il me tient à cœur de l'expliquer aux futurs professionnels hypersensibles (car on se ressent :)). Ils sont parfois déjà en retenu et en souffrance alors qu’ils ressentent tellement plus les choses que certains autres. Leur analyse est souvent plus fine et cette sorte de sixième sens est un avantage indéniable pour être là, présent comme il faut vis-à-vis des équipes soignantes, du patient et de sa famille.
On me dit souvent qu’on admire ma profession, mon courage etc. mais quand on se retrouve dans ce genre de situation il me semble que n'importe qui ferait la même chose. On répond juste présent parce qu’on est humain. On met tout ce que l’on a en nous, tout ce que l’on est et tout ce qui émane de nous dans la balance parce que c'est nécessaire point. On donne tout. On s’expose parce que l’on accompagne dans la douleur l’inacceptable et souvent, ce que l’on n’avait pas prévu. C’est un peu comme si le chemin tracé n’était pas TOUJOURS emprunt d'obstacles, de petits chemins cachés sur les côtés et d’impraticabilité.


  Mon rapport à l’invisible.
Je ne crois pas en Dieu. Ni en un Dieu, ni en plusieurs d’ailleurs. En réalité, je crois à l’énergie universelle tellurique (qui vient de la terre mère), une énergie cosmique (ciel et espace) et aussi vitale (dans tout corps vivant). Je crois que ces différents flux dansent ensemble, communiquent et animent tout.
Je crois en la réincarnation. Suite à certaines expériences personnelles et aussi parce qu’il m’est inacceptable d'imaginer qu’un être vivant naisse et meure tôt dans sa vie. Il en est de même avec les grandes souffrances, ou les gens qui vivent dans la douleur physique ou psychique. Ma conviction est qu’il y aura plusieurs vies pour que la balance soit un tantinet rétablie concernant l’équilibre bonheur/douleur de chacun.
Evidemment je ne mets jamais en avant mes croyances auprès des familles en souffrance, à moins que des discussions longues et libres s’instaurent, pendant de longs mois. Tout est histoire de ressenti face aux familles. C’est un sujet extrêmement délicat et, évidemment encore plus en période de vulnérabilité parentale et de l'enfant.
Je crois aux anges et aux esprits. En particulier, je crois que les personnes qui partent restent malgré tout auprès de nous souvent, nous protègent et veillent sur nous. Je les sens parfois et j’ai eu des manifestations probables dans mon service du monde invisible. Comment expliquer des objets qui tombent sans raison, des scopes ou des pousses seringues qui s’allument tous seuls ?... Il m’est arrivé jusqu’à ressentir des sensations de froid soudaines ou de réelles impressions de présence invisible à mes côtés




QUAND JE SUIS CONFRONTEE A UNE SITUATION DIFFICILE…
Témoignage d’un pédiatre réanimateur
Docteur Guillaume Costa


Les situations difficiles impactent-elle mes capacités intellectuelles ?

Pendant la situation, mon intellect est préservé. Il se produit comme une sorte de clivage : la médecine et les soins en priorité, tout est clair. Il faut que ça avance. Avant les situations il peut m’arriver de ressentir de l’appréhension, je me demande comment cela va-t-il se passer. Grace des des décharges importantes d’adrénaline, tout fonctionne mieux. La stimulation est beaucoup plus importante. C’est normal, là ou il y a une situation de stress, il y a de la stimulation. Je me souviens que c’était la même chose aux moments de mes examens en médecine. Je me souviens que je pouvais résoudre des problèmes très difficiles lorsque j’étais en épreuves, alors que je n’y arrivais pas forcément en dehors des examens.

Dans l’après coup en revanche je me pose des questions : est-ce que j’ai bien fait, qu'est ce qui était bien, pas bien, qu’aurais-je pu améliorer. Alors oui dans l’après coup, je ressasse.

Au niveau de ma mémoire et de ma concentration, quand il y a une situation difficile c’est la fatigue qui est le plus complexe à gérer. A cause de la fatigue, je peux ressentir un ralentissement intellectuel, et c’est bien davantage à cause de la fatigue qu’à cause de l’événement lui-même. En revanche je ne ressens pas spécialement de problème de mémoire ni de concentration.

Les situations complexes, modifient-elle mon rapport aux choses matérielles ?
Je ne constate pas de modification sur ce point. D’ailleurs j’accorde peu d’importance pour le matériel en général. Il peut m’arriver de ne pas faire attention, mais c’est plutôt habituel, c’est lié à ma personnalité.

Mon rapport à la société :
Pour moi, le monde n’est ni tout noir, ni tout blanc. Il est tel qui est. Bien sûr, cela me permet de relativiser sur mes problèmes personnels ou dans mon entourage. Je crois aussi qu’il y a pleins de variables qu’on ne contrôle pas, on ne peut pas tout prévoir. Il y a des choses sur lesquelles nous n’avons aucun moyen d’action, aucun impact possible. Il y a des choses que l’on ne peut pas changer.
Je pense que l’on vit des choses uniques, mais ce n’est pas forcément en décalage. On vit des choses que peu de personnes vivent, on aborde la mort plus fréquemment mais tout le monde a les mêmes problématiques.

Je n’aime pas trop parler de mon travail à mes amis. Certains comprennent, d’autres moins, mais nous restons toujours sur des problématiques universelles, en ça nous ne sommes pas vraiment différents les uns des autres.

Envie de s’investir ? Engagement associatif ? Investissement de qualité ?
Je pense qu’il faut trouver un équilibre. On peut vite être absorbé par l’hôpital. Le temps y passe très vite, c'est chronophage. Je suis président d’une association, j’ai des amis qui sont psy et font de l’haptonomie, ils travaillent beaucoup dans l’enfance. Je participe à des discussions, cela me prend 2h par semaines environ.
La politique m’intéresse mais je ne m’y impliquerai pas, néanmoins, j’ai mes convictions.

Toutes les personnes qui sont ici aime leur travail, c'est un choix. C'est agréable mais on peut vite s’enfermer, cela peut être dangereux aussi, il faut être vigilent.

Impact émotionnel :
La tristesse et l’angoisse et beaucoup d’autres émotions sont en jeu dans ce genre de métier. Il faut trouver le juste milieu, la bonne distance avec ces choses-là. Il faut être touché un peu je pense mais ne pas être envahit. C'est un travail de tous les jours. Tous les jours j’ai l’impression que j’apprends, c'est une frontière.

Impact affectif :
Les deux sont liés, je pense que ça a un impact. Par exemple, lorsque ça ne se passe pas bien à l’hôpital, j’essaie de laisser ici mais forcément des choses me collent. Les deux ont une influence. Cela peut m’arriver que je repense à ce qui s'est passé dans les moments difficiles alors que je ne suis plus dans le contexte hospitalier. Après j’ai la chance d’avoir des personnes qui me connaissent et me rappellent à moi-même. Mes proches prennent soin de moi et puis il y a une sorte de contrôle aussi. Au final, beaucoup de personnes font attention à nous mais on ne remarque pas.

Corps : répercussion :

Je fais beaucoup de sportn de vélo et je cours de temps en temps.
Mes ressources, c’est à l’extérieur que je les trouve, avec mes amis, et surtout avec la nature. J’ai besoin d’être dehors. Le vélo me permet de passer à autre chose.
Au niveau de mon sommeil, de l’attention à mon corps, de mon alimentation et de ma sexualité, tout ceci doit surement être impacté, mais je ne sais pas vraiment comment. Je ne sais pas si cela modifie l’intensité ou la fréquence… Je n’ai pas de sensation particulière.

Dans ma famille je ne raconte qu’une version édulcorée de ce que je vis. Ils n’ont pas besoin de tout savoir. C’est d’ailleurs plus facile de parler avec les amis du boulot qu’avec les familles.

Rapport à l’invisible :
Je n’ai pas de religion particulière. Je suis croyant, je crois en certaines choses, je crois en l’esprit, je crois qu’il y a des choses qu’on ne maitrise pas et qu’il y a peut-être un sens derrière. Je parle plus de sens de la vie. Cela a un impact : il y a des choses qui doivent se faire, d’autres qui ne se font pas. Il faut savoir arrêter et ne pas se prendre pour Dieu. On nous apprend à être dans le contrôle, à tout maitriser, on est sollicité pour tout (même pour la machine à laver qui ne fonctionne plus !). Nous sommes formatés pour avoir réponse à tout. Comme si on pouvait tout régler...
Cela n’est ni aidant ni contraignant, ce n’est pas un jugement. Je pense cela davantage comme des chemins, avec des croisements. C'est comme ça.
On a besoin de ces choses-là.

C’est toujours touchant d’entendre un enfant parler de son expérience de mort imminentecar c'est pas stéréotypé comme on peut entendre à la télévision. Je pense à un enfant qui voyait les personnes qui l’aimaient et lui disaient de venir.








cf. Le concept d’individu sain de Winnicott

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